La magie de Rapa Nui
Dates du séjour : du 28 juillet au 2 août 2014
Maintenant que j’ai dévoilé certains mystères de l’île, vous comprenez sûrement mieux pourquoi ce lieu est l’un des points culminants de mes 8 mois de voyage, un peu comme le summum de mes rêves d’aventure.
Je savais que j’aurai peu d’occasions dans ma vie d’aller à Rapa Nui et que mon séjour à Santiago, d’où décollent les avions Lan, quasiment les seuls à faire le trajet (avec des départs également de Tahiti), allait me faciliter la tâche. Le témoignage d’Elisabeth, qui m’a raconté avant mon départ ses 17 mois d’aventures autour du monde en tant que « voyageuse solo », m’a motivée encore davantage, surtout lorsqu’elle m’a confié que les Pascuans ont un sacré sens de la fête ! J’étais quasiment conquise avant même d’atterrir sur l’île… Mes espoirs étaient donc très grands et à trop sacraliser un lieu, on peut parfois être bien déçu.
Le vol aller a été éprouvant car il y avait beaucoup de vent qui secouait l’avion violemment. Je me suis passée en boucle Marc Anthony (« Vivir mi vida » « Valio la pena») pour chasser de mon esprit les sinistres pensées qui le traversaient à chaque trou d’air… Je suis évidemment arrivée en chair et en os, dans un avion entier.
J’étais émue dès mon arrivée car j’avais vraiment le sentiment d’accomplir quelque chose de spécial, un moment qui allait me marquer à vie.
L’aéroport international, construit par l’armée américaine en 1967, est minuscule et charmant, avec des reproductions de statues Rapa Nui sur le tarmac dès la sortie de l’avion.
Il faisait doux, chaud même car j’ai dû enlever mon pull, le soleil brillait et le vent soufflait très fort. Après avoir acheté le billet d’entrée pour le parc national et récupéré mon sac à dos, une jolie jeune femme, travaillant pour la chambre d’hôte que j’avais réservée, m’attendait avec une pancarte sur laquelle était inscrit mon nom. Elle s’est excusée de ne pas avoir de collier de fleurs à m’offrir, comme il est apparemment coutume de le faire sur l’île, d’influence polynésienne. Un jeune homme charmant nous a rejoints deux minutes après, me déchargeant de mon sac et m’offrant un collier de coquillages. C’était son « novio » et ils habitaient sur place, gérant la chambre d’hôte pour la propriétaire qui vit au Canada. Je leur ai dit que j’étais ravie d’être là, que c’était un rêve d’enfance.
Ils m’ont fait faire un petit tour du village en me donnant des points de repères avant que l’on ne rejoigne la chambre d’hôtes, Te’Ora Rapa Nui, une ravissante maison face à l’océan, à 20 mètres à peine des vagues.
Ma chambre et la salle de bain étaient également une bien agréable surprise, joliment décorées avec un lit vraiment douillet. Je devais passer 4 nuits dans cette chambre et la dernière dans la « suite royale » (c’est moi qui l’appelle ainsi), qui occupait tout l’étage supérieur de la maison. Il n’y avait en effet pas 5 nuits d’affilée de disponibles dans la chambre simple et les gérants m’ont offert la « suite » au tarif de la chambre simple pour la dernière nuit. C’est clairement le plus bel endroit que j’ai loué en 5 mois de voyage. Le rêve était déjà en train de commencer et je l’ai senti dès que j’ai posé le pied sur le sol Rapa Nui.
Après m’être un peu reposée pour me remettre des secousses de l’avion et des 5h30 de trajet, j’ai fait un petit tour dans le village, quelques commissions (le petit déjeuner n’est pas inclus mais il y a une cuisine), loué un vélo pour mes cinq jours sur l’île et me suis rendue sur le site de Tahai, juste à côté du village et célèbre pour ses couchers de soleil. J’ai découvert également un joli cimetière face à l’océan, marqué par les traditions locales.
Au-delà des émotions ressenties face aux mystérieuses statues moai, ce que j’ai en fait préféré c’est la beauté sauvage de l’île et l’atmosphère unique qui y règne. Je vous cite un extrait de cet excellent article du Monde que je vous invite à lire entièrement :
« Quelque chose comme le sud-ouest de l’Irlande et ses murets de pierre, ou bien les Açores, avec en son centre, les volcans d’Auvergne. Si nue que depuis sa côte on discerne la courbure de la Terre. À l’horizon, l’absence de navire dit la solitude. Et puis il y a ces silences de pierre : les moaïs. Des centaines de statues naguère dressées sur la lande avec leurs longs nez épatés, leurs orbites saillantes, leur verticalité mutique, leurs regards aveugles. La plupart git aujourd’hui à terre, renversée, omniprésente au milieu de bandes de chevaux à demi sauvages qui s’égaient dans le vent fou. »
J’ai effectivement pensé à l’Auvergne, ma si belle région natale, quand j’ai découvert les volcans de l’île qui ressemblaient étrangement à mes puys si familiers, comme si j’étais connectée à cette île par d’autres biais.
J’ai adoré le côté sauvage de l’île, ne rencontrant que quelques chevaux et trois pèlerins une fois que j’eus quitté les excursions touristiques pour enfourcher un vélo.
La magie a opéré tout au long de mon séjour. Je vais vous donner quatre exemples. Ils sont liés à des rencontres finalement simples mais singulières, parfois juste pour quelques instants mais qui à chaque fois correspondaient à un moment spécial, comme si je les avais souhaitées au fond de moi et qu’elles se matérialisaient avec une baguette magique.
Voici le premier exemple. Après deux jours d’excursions organisées où j’ai appris pas mal de choses sur les moai, les ahu, les pukao et l’histoire mouvementée de l’île, découvrant en même temps les principaux sites, j’ai décidé de partir seule à l’aventure en enfourchant un vélo. Quarante minutes après être partie, je me suis retrouvée trempée jusqu’aux os, surprise par une averse interminable. J’avais heureusement pris avec moi mon poncho de pluie, que je n’ai en fait quasiment jamais utilisé depuis mon grand départ en février, ce qui montre à quel point j’ai eu de la chance point de vue météo durant mes 8 mois de voyage. Je suis restée sous un arbre maigrichon, l’un des rares sur mon chemin, pendant environ 30 minutes, puis j’ai décidé de rebrousser chemin et d’affronter la pluie qui s’était un peu calmée. J’étais déjà complètement trempée, des pieds à la tête, malgré mon imperméable visiblement peu habitué à ce type d’averses. La température était plutôt douce, du coup ce n’était pas la mer à boire… La pluie a cependant repris de la vigueur et il m’était difficile d’avancer. J’ai repéré sur le côté de la route une maison avec un large préau qui abritait quelques personnes. Je leur ai demandé si je pouvais m’arrêter quelques instants pour me reposer « au sec » et ils m’ont fait signe de la main de venir. Il s’agissait d’une famille locale qui travaillait dans l’industrie du bois. Le père m’a présenté son fils et son neveu (en me précisant qu’ils étaient célibataires…) et m’a proposé une tasse de café que j’ai acceptée. J’ai quand même eu un instant de méfiance en me disant qu’ils pouvaient me faire boire n’importe quoi mais mon instinct sentait de bonnes ondes et j’ai donc bu le café. Il était bien trop sucré à mon goût mais j’étais vraiment touchée par leur accueil. J’ai parlé un petit moment avec le padre, caressé le chien en ayant une pensée affectueuse pour les deux labradors de ma famille qui vivent en Dordogne, puis suis repartie sur mon vélo requinquée et heureuse d’avoir vécu ce petit moment de partage simple et inattendu.
Le soir même je suis allée voir un spectacle de danse local. Si vous allez à Rapa Nui, ne ratez cela sous aucun prétexte. Vous en prendrez plein les mirettes, aussi bien pour la beauté et la sensualité des danses et des danseurs que pour la musique locale entraînante. Après ce spectacle rythmé, j’étais très motivée pour découvrir le fameux sens de la fête pascuan dont m’avait parlé Elisabeth. Or je n’avais plus que deux jours sur l’île et malheureusement pas fait de rencontres m’incitant à sortir danser. Je ne comptais pas non plus sortir seule dans un bar ou un club. C’est sur ces pensées, un peu frustrée, que je me suis rendue aux toilettes. Et là, la baguette magique a de nouveau opéré. Il y avait une autre française, Julie, avec qui j’ai échangé rapidement quelques mots, lui disant combien j’étais emballée par le spectacle et que cela me donnait envie de danser. Et là, abracadabra, elle m’a invitée à se joindre à elle et deux autres amis locaux car ils devaient justement sortir danser. C’était inespéré. J’ai bien entendu immédiatement accepté l’invitation et passé une très bonne soirée en compagnie de Julie. Je confirme que les Pascuans ont le sens de la fête et un sacré déhanché, mamamia !! Pablo, un chilien que j’ai retrouvé par la suite à Santiago et Bariloche, ne se défendait pas mal non plus côté déhanché et pourtant le niveau était élevé avec les Pascuans !
Le matin suivant, le soleil est revenu et j’ai repris mon vélo. C’était mon dernier jour sur l’île. Je repartais le lendemain à midi. J’ai décidé de longer la côte pour profiter du ciel bleu et de l’océan. C’était magnifique. J’ai roulé pendant environ deux heures m’arrêtant de temps en temps pour découvrir de nouveaux moai que je n’avais pas vus pendant les tours organisés. J’étais souvent seule ou avec seulement une ou deux autres personnes qui avaient loué des voitures et circulaient dans l’île. Je commençais aussi à sentir la fatigue car la route était beaucoup plus ardue que je ne l’imaginais, avec pas mal de côtes et de faux plats. Je calculais également le temps qu’il me restait et réalisais que je ne pourrais pas faire tout ce que j’avais envisagé. C’était trop loin et trop fatigant. J’avais presque envie de rater mon avion le lendemain tant l’île me plaisait mais les billets sont très chers et ce n’était évidemment pas la solution la plus raisonable…
Alors que je me trouvais sur l’un des « derniers » ahu de ma visite, j’ai croisé un autre touriste et lui ai demandé s’il pouvait me prendre en photo devant le moai (je fais aussi beaucoup de photos « de touristes » et pas seulement pour les envoyer à ma famille, j’assume complètement mon côté «mitraillage japonais » !). Nous étions seulement tous les deux sur le site, pas un chat à l’horizon, seulement quelques chevaux sauvages. Nous avons commencé à parler et j’ai découvert qu’il était français. Décidemment, beaucoup de compatriotes même à l’autre bout du monde !
Il m’a dit qu’il avait lui-même fait deux jours de vélos la veille et l’avant-veille et m’a conseillé quelques sites. Cela avait l’air très tentant mais malheureusement j’étais coincée par le temps et la fatigue. Nous nous sommes dits au-revoir en nous souhaitant mutuellement bon voyage. Je suis repartie dans l’autre sens en prenant mon courage (et le guidon) à deux mains pour les deux autres heures de vélo qui m’attendaient. Au bout de dix minutes, j’ai entendu un klaxon. C’était Frédéric, le français, qui me dépassait dans sa voiture de location. Je lui ai fait un signe de la main et ai attaqué une nouvelle côte bien raide avec difficultés. Puis j’ai vu le véhicule s’arrêter. Frédéric, voyant que je peinais, m’a proposé de mettre le vélo dans son coffre et de me rapprocher du village ou même de l’un des beaux sites dont il m’avait parlé. Il faut croire qu’il n’y a pas que des moai sur l’Ile de Pâques, il y a aussi des ange-gardiens !! J’ai accepté de bon cœur d’autant plus que cela m’a permis de faire en effet une autre très belle balade et de découvrir une nouvelle partie de l’île.
J’ai aussi appris que Frédéric voyageait beaucoup dans le monde entier pour/grâce à son travail. Il est en effet meilleur ouvrier de France primeur, champion artistique d’Europe et de France sur fruits et légumes, invité régulièrement dans pas mal de pays en tant que consultant designer de fruits et légumes et ami de nombreux grands chefs cuisiniers tels que Guy Martin dont je rêve de découvrir le restaurant étoilé « Le Grand Véfour » . Il est même intervenu dans l’une des émissions culinaires bien connues du grand public, Top Chef je crois. Bref, une star internationale dans son domaine ! Cette rencontre est un bel exemple de la diversité des personnes que j’ai pu croisées durant mes 8 mois de périple : des gens de tous pays, de tous âges et de tous métiers, notre point commun étant la passion des voyages. J’estime que c’est une grande chance de pouvoir être exposée à une telle variété de profils. Je trouve en effet très intéressant de voir les parcours des gens et pourquoi ils sont là au moment où je les rencontre. Cela ouvre l’esprit, cela montre qu’il y a plein de façons de vivre, de penser, de se remettre en question et prendre un autre chemin ou au contraire d’être (ré)conforté dans ses choix.
Pour remercier Frédéric de sa gentillesse, je lui ai offert le soir son premier Pisco Sour. Il ne connaissait pas ce cocktail et l’a apprécié. C’est presque un honneur de faire découvrir un cocktail à un spécialiste du sujet… J’ai en effet découvert sur son site qu’il a publié des livres de recettes de cocktails…
La magie m’a envoûtée jusqu’à la fin. J’étais en train de finir de ranger mes affaires dans mon sac à dos pour aller à l’aéroport. J’ai entendu une très belle musique très rythmée dans la chambre du dessous. Je pensais que c’était un CD de mes hôtes. En fait, le monsieur qui m’emmenait à l’aéroport jouait de la guitare en m’attendant. J’étais surprise et bluffée tant il jouait bien et tant la musique était belle. Et d’un coup, j’ai été submergée par l’émotion. Je n’avais pas envie de partir, j’étais tombée sous le charme de cette île dont j’avais toujours rêvée et je venais de réaliser mon rêve. J’étais bouleversée. Je me suis retenue car je crois que j’aurais pu pleurer à chaudes larmes si je m’étais laissée aller complètement. Je souhaite sincèrement à tout le monde de vivre ça, de ressentir ces moments qui nous donnent la chair de poule et nous bouleversent. Ils sont rares et précieux.
Je voulais partager avec vous toutes ces petites anecdotes car elles ont été pour moi porteuses d’une belle leçon. Ne pas tout planifier, se laisser aller (cf envie n° 24) et exprimer ses souhaits (même intérieurement) offre parfois, souvent, de magnifiques moments, où « le hasard fait bien les choses » et où tout semble aller dans le bon sens, comme par magie. C’est ce que j’ai ressenti sur cette île si spéciale que je n’oublierais pas et sur laquelle j’espère retourner un jour. J’ai aussi appris que « tatoo » (tatouage) est un mot polynésien qui veut dire « marquage de vie ». Je ne me suis pas faite tatouer à Rapa Nui mais ma vie a été à jamais marquée par cette île qui me semblait si mystérieuse et inaccessible. Je garderai en moi un tatouage invisible et indélébile, emprunt de magie.
Je vous laisse maintenant découvrir de nombreuses autres photos de ce « nombril du monde »…
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