Ile de Pâques – 2ème partie

La magie de Rapa Nui

Dates du séjour : du 28 juillet au 2 août 2014

Maintenant que j’ai dévoilé certains mystères de l’île, vous comprenez sûrement mieux pourquoi ce lieu est l’un des points culminants de mes 8 mois de voyage, un peu comme le summum de mes rêves d’aventure.

Je savais que j’aurai peu d’occasions dans ma vie d’aller à Rapa Nui et que mon séjour à Santiago, d’où décollent les avions Lan, quasiment les seuls à faire le trajet (avec des départs également de Tahiti), allait me faciliter la tâche. Le témoignage d’Elisabeth, qui m’a raconté avant mon départ ses 17 mois d’aventures autour du monde en tant que « voyageuse solo », m’a motivée encore davantage, surtout lorsqu’elle m’a confié que les Pascuans ont un sacré sens de la fête ! J’étais quasiment conquise avant même d’atterrir sur l’île… Mes espoirs étaient donc très grands et à trop sacraliser un lieu, on peut parfois être bien déçu.

Le vol aller a été éprouvant car il y avait beaucoup de vent qui secouait l’avion violemment. Je me suis passée en boucle Marc Anthony  (« Vivir mi vida » « Valio la pena») pour chasser de mon esprit les sinistres pensées qui le traversaient à chaque trou d’air… Je suis évidemment arrivée en chair et en os, dans un avion entier.

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L’Ile de Pâques est l’endroit habité le plus isolé de la planète : à 3680 km des côtes chiliennes et à 4050 km de Tahiti.

J’étais émue dès mon arrivée car j’avais vraiment le sentiment d’accomplir quelque chose de spécial, un moment qui allait me marquer à vie.

L’aéroport international, construit par l’armée américaine en 1967, est minuscule et charmant, avec des reproductions de statues Rapa Nui sur le tarmac dès la sortie de l’avion.

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Il faisait doux, chaud même car j’ai dû enlever mon pull, le soleil brillait et le vent soufflait très fort. Après avoir acheté le billet d’entrée pour le parc national et récupéré mon sac à dos, une jolie jeune femme, travaillant pour la chambre d’hôte que j’avais réservée, m’attendait avec une pancarte sur laquelle était inscrit mon nom. Elle s’est excusée de ne pas avoir de collier de fleurs à m’offrir, comme il est apparemment coutume de le faire sur l’île, d’influence polynésienne. Un jeune homme charmant nous a rejoints deux minutes après, me déchargeant de mon sac et m’offrant un collier de coquillages. C’était son « novio » et ils habitaient sur place, gérant la chambre d’hôte pour la propriétaire qui vit au Canada. Je leur ai dit que j’étais ravie d’être là, que c’était un rêve d’enfance.

Ils m’ont fait faire un petit tour du village en me donnant des points de repères avant que l’on ne rejoigne la chambre d’hôtes, Te’Ora Rapa Nui, une ravissante maison face à l’océan, à 20 mètres à peine des vagues.

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La maison d'hôte à quelques mètres de l'océan

La maison d’hôte à quelques mètres de l’océan

Ravie de fouler le sol de l'île de mes rêves d'enfant et de découvrir ma chambre d'hôte face à l'océan !

Ravie de fouler le sol de l’île de mes rêves d’enfant et de découvrir ma chambre d’hôte face à l’océan !

Ma chambre et la salle de bain étaient également une bien agréable surprise, joliment décorées avec un lit vraiment douillet. Je devais passer 4 nuits dans cette chambre et la dernière dans la « suite royale » (c’est moi qui l’appelle ainsi), qui occupait tout l’étage supérieur de la maison. Il n’y avait en effet pas 5 nuits d’affilée de disponibles dans la chambre simple et les gérants m’ont offert la « suite » au tarif de la chambre simple pour la dernière nuit. C’est clairement le plus bel endroit que j’ai loué en 5 mois de voyage. Le rêve était déjà en train de commencer et je l’ai senti dès que j’ai posé le pied sur le sol Rapa Nui.

"La suite royale" - Photo qui provient de l'établissement

« La suite royale » – Photo qui provient de l’établissement

"On entend les vagues..." - Photo qui provient de l'établissement

« On entend les vagues… » – Photo qui provient de l’établissement

Lever de soleil depuis mon lit - la preuve en image !

Lever de soleil depuis mon lit – la preuve en image !

Lever du soleil depuis mon lit...

Lever du soleil depuis mon lit…

Parfois il faut se pincer pour y croire !

Parfois il faut se pincer pour y croire !

Après m’être un peu reposée pour me remettre des secousses de l’avion et des 5h30 de trajet, j’ai fait un petit tour dans le village, quelques commissions (le petit déjeuner n’est pas inclus mais il y a une cuisine), loué un vélo pour mes cinq jours sur l’île et me suis rendue sur le site de Tahai, juste à côté du village et célèbre pour ses couchers de soleil. J’ai découvert également un joli cimetière face à l’océan, marqué par les traditions locales.

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Au-delà des émotions ressenties face aux mystérieuses statues moai, ce que j’ai en fait préféré c’est la beauté sauvage de l’île et l’atmosphère unique qui y règne. Je vous cite un extrait de cet excellent article du Monde que je vous invite à lire entièrement :

« Quelque chose comme le sud-ouest de l’Irlande et ses murets de pierre, ou bien les Açores, avec en son centre, les volcans d’Auvergne. Si nue que depuis sa côte on discerne la courbure de la Terre. À l’horizon, l’absence de navire dit la solitude. Et puis il y a ces silences de pierre : les moaïs. Des centaines de statues naguère dressées sur la lande avec leurs longs nez épatés, leurs orbites saillantes, leur verticalité mutique, leurs regards aveugles. La plupart git aujourd’hui à terre, renversée, omniprésente au milieu de bandes de chevaux à demi sauvages qui s’égaient dans le vent fou. »

J’ai effectivement pensé à l’Auvergne, ma si belle région natale, quand j’ai découvert les volcans de l’île qui ressemblaient étrangement à mes puys si familiers, comme si j’étais connectée à cette île par d’autres biais.

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J’ai adoré le côté sauvage de l’île, ne rencontrant que quelques chevaux et trois pèlerins une fois que j’eus quitté les excursions touristiques pour enfourcher un vélo.

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La magie a opéré tout au long de mon séjour. Je vais vous donner quatre exemples. Ils sont liés à des rencontres finalement simples mais singulières, parfois juste pour quelques instants mais qui à chaque fois correspondaient à un moment spécial, comme si je les avais souhaitées au fond de moi et qu’elles se matérialisaient avec une baguette magique.

Trempée jusqu'aux os...

Trempée jusqu’aux os…

Voici le premier exemple. Après deux jours d’excursions organisées où j’ai appris pas mal de choses sur les moai, les ahu, les pukao et l’histoire mouvementée de l’île, découvrant en même temps les principaux sites, j’ai décidé de partir seule à l’aventure en enfourchant un vélo. Quarante minutes après être partie, je me suis retrouvée trempée jusqu’aux os, surprise par une averse interminable. J’avais heureusement pris avec moi mon poncho de pluie, que je n’ai en fait quasiment jamais utilisé depuis mon grand départ en février, ce qui  montre à quel point j’ai eu de la chance point de vue météo durant mes 8 mois de voyage. Je suis restée sous un arbre maigrichon, l’un des rares sur mon chemin, pendant environ 30 minutes, puis j’ai décidé de rebrousser chemin et d’affronter la pluie qui s’était un peu calmée. J’étais déjà complètement trempée, des pieds à la tête, malgré mon imperméable visiblement peu habitué à ce type d’averses. La température était plutôt douce, du coup ce n’était pas la mer à boire… La pluie a cependant repris de la vigueur et il m’était difficile d’avancer. J’ai repéré sur le côté de la route une maison avec un large préau qui abritait quelques personnes. Je leur ai demandé si je pouvais m’arrêter quelques instants pour me reposer « au sec » et ils m’ont fait signe de la main de venir. Il s’agissait d’une famille locale qui travaillait dans l’industrie du bois. Le père m’a présenté son fils et son neveu (en me précisant qu’ils  étaient célibataires…) et m’a proposé une tasse de café que j’ai acceptée. J’ai quand même eu un instant de méfiance en me disant qu’ils pouvaient me faire boire n’importe quoi mais mon instinct sentait de bonnes ondes et j’ai donc bu le café. Il était bien trop sucré à mon goût mais j’étais vraiment touchée par leur accueil. J’ai parlé un petit moment avec le padre, caressé le chien en ayant une pensée affectueuse pour les deux labradors de ma famille qui vivent en Dordogne, puis suis repartie sur mon vélo requinquée et heureuse d’avoir vécu ce petit moment de partage simple et inattendu.

Avec mes hôtes menuisiers qui m'ont offert un café !

Avec mes hôtes menuisiers qui m’ont offert un café !

Le soir même je suis allée voir un spectacle de danse local. Si vous allez à Rapa Nui, ne ratez cela sous aucun prétexte. Vous en prendrez plein les mirettes, aussi bien pour la beauté et la sensualité des danses et des danseurs que pour la musique locale entraînante. Après ce spectacle rythmé, j’étais très motivée pour découvrir le fameux sens de la fête pascuan dont m’avait parlé Elisabeth. Or je n’avais plus que deux jours sur l’île et malheureusement pas fait de rencontres m’incitant à sortir danser. Je ne comptais pas non plus sortir seule dans un bar ou un club. C’est sur ces pensées, un peu frustrée, que je me suis rendue aux toilettes. Et là, la baguette magique a de nouveau opéré. Il y avait une autre française, Julie, avec qui j’ai échangé rapidement quelques mots, lui disant combien j’étais emballée par le spectacle et que cela me donnait envie de danser. Et là, abracadabra, elle m’a invitée à se joindre à elle et deux autres amis locaux car ils devaient justement sortir danser. C’était inespéré. J’ai bien entendu immédiatement accepté l’invitation et passé une très bonne soirée en compagnie de Julie. Je confirme que les Pascuans ont le sens de la fête et un sacré déhanché, mamamia !! Pablo, un chilien que j’ai retrouvé par la suite à Santiago et Bariloche, ne se défendait pas mal non plus côté déhanché et pourtant le niveau était élevé avec les Pascuans !

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Le matin suivant, le soleil est revenu et j’ai repris mon vélo. C’était mon dernier jour sur l’île. Je repartais le lendemain à midi. J’ai décidé de longer la côte pour profiter du ciel bleu et de l’océan. C’était magnifique. J’ai roulé pendant environ deux heures m’arrêtant de temps en temps pour découvrir de nouveaux moai que je n’avais pas vus pendant les tours organisés. J’étais souvent seule ou avec seulement une ou deux autres personnes qui avaient loué des voitures et circulaient dans l’île. Je commençais aussi à sentir la fatigue car la route était beaucoup plus ardue que je ne l’imaginais, avec pas mal de côtes et de faux plats. Je calculais également le temps qu’il me restait et réalisais que je ne pourrais pas faire tout ce que j’avais envisagé. C’était trop loin et trop fatigant. J’avais presque envie de rater mon avion le lendemain tant l’île me plaisait mais les billets sont très chers et ce n’était évidemment pas la solution la plus raisonable…

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Alors que je me trouvais sur l’un des « derniers » ahu de ma visite, j’ai croisé un autre touriste et lui ai demandé s’il pouvait me prendre en photo devant le moai (je fais aussi beaucoup de photos « de touristes » et pas seulement pour les envoyer à ma famille, j’assume complètement mon côté «mitraillage japonais » !). Nous étions seulement tous les deux sur le site, pas un chat à l’horizon, seulement quelques chevaux sauvages. Nous avons commencé à parler et j’ai découvert qu’il était français. Décidemment, beaucoup de compatriotes même à l’autre bout du monde !

Il m’a dit qu’il avait lui-même fait deux jours de vélos la veille et l’avant-veille et m’a conseillé quelques sites. Cela avait l’air très tentant mais malheureusement j’étais coincée par le temps et la fatigue. Nous nous sommes dits au-revoir en nous souhaitant mutuellement bon voyage. Je suis repartie dans l’autre sens en prenant mon courage (et le guidon) à deux mains pour les deux autres heures de vélo qui m’attendaient. Au bout de dix minutes, j’ai entendu un klaxon. C’était Frédéric, le français, qui me dépassait dans sa voiture de location. Je lui ai fait un signe de la main et ai attaqué une nouvelle côte bien raide avec difficultés. Puis j’ai vu le véhicule s’arrêter. Frédéric, voyant que je peinais, m’a proposé de mettre le vélo dans son coffre et de me rapprocher du village ou même de l’un des beaux sites dont il m’avait parlé. Il faut croire qu’il n’y a pas que des moai sur l’Ile de Pâques, il y a aussi des ange-gardiens !! J’ai accepté de bon cœur d’autant plus que cela m’a permis de faire en effet une autre très belle balade et de découvrir une nouvelle partie de l’île.

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J’ai aussi appris que Frédéric voyageait beaucoup dans le monde entier pour/grâce à son travail. Il est en effet meilleur ouvrier de France primeur, champion artistique d’Europe et de France sur fruits et légumes, invité régulièrement dans pas mal de pays en tant que consultant designer de fruits et légumes et ami de nombreux grands chefs cuisiniers tels que Guy Martin dont je rêve de découvrir le restaurant étoilé « Le Grand Véfour » . Il est même intervenu dans l’une des émissions culinaires bien connues du grand public, Top Chef je crois. Bref, une star internationale dans son domaine ! Cette rencontre est un bel exemple de la diversité des personnes que j’ai pu croisées durant mes 8 mois de périple : des gens de tous pays, de tous âges et de tous métiers, notre point commun étant la passion des voyages. J’estime que c’est une grande chance de pouvoir être exposée à une telle variété de profils. Je trouve en effet très intéressant de voir les parcours des gens et pourquoi ils sont là au moment où je les rencontre. Cela ouvre l’esprit, cela montre qu’il y a plein de façons de vivre, de penser, de se remettre en question et prendre un autre chemin ou au contraire d’être (ré)conforté dans ses choix.

Pour remercier Frédéric de sa gentillesse, je lui ai offert le soir son premier Pisco Sour. Il ne connaissait pas ce cocktail et l’a apprécié. C’est presque un honneur de faire découvrir un cocktail à un spécialiste du sujet… J’ai en effet découvert sur son site qu’il a publié des livres de recettes de cocktails…

La magie m’a envoûtée jusqu’à la fin. J’étais en train de finir de ranger mes affaires dans mon sac à dos pour aller à l’aéroport. J’ai entendu une très belle musique très rythmée dans la chambre du dessous. Je pensais que c’était un CD de mes hôtes. En fait, le monsieur qui m’emmenait à l’aéroport jouait de la guitare en m’attendant. J’étais surprise et bluffée tant il jouait bien et tant la musique était belle. Et d’un coup, j’ai été submergée par l’émotion. Je n’avais pas envie de partir, j’étais tombée sous le charme de cette île dont j’avais toujours rêvée et je venais de réaliser mon rêve. J’étais bouleversée. Je me suis retenue car je crois que j’aurais pu pleurer à chaudes larmes si je m’étais laissée aller complètement. Je souhaite sincèrement à tout le monde de vivre ça, de ressentir ces moments qui nous donnent la chair de poule et nous bouleversent. Ils sont rares et précieux.

Je voulais partager avec vous toutes ces petites anecdotes car elles ont été pour moi porteuses d’une belle leçon. Ne pas tout planifier, se laisser aller (cf envie n° 24) et exprimer ses souhaits (même intérieurement) offre parfois, souvent, de magnifiques moments, où « le hasard fait bien les choses » et où tout semble aller dans le bon sens, comme par magie. C’est ce que j’ai ressenti sur cette île si spéciale que je n’oublierais pas et sur laquelle j’espère retourner un jour. J’ai aussi appris que « tatoo » (tatouage) est un mot polynésien qui veut dire « marquage de vie ». Je ne me suis pas faite tatouer à Rapa Nui mais ma vie a été à jamais marquée par cette île qui me semblait si mystérieuse et inaccessible. Je garderai en moi un tatouage invisible et indélébile, emprunt de magie.

Je vous laisse maintenant découvrir de nombreuses autres photos de ce « nombril du monde »…

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Le seul moai agenouillé… un autre mystère…

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On voit très bien les bras et les mains sur ce moai

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Photo courtesy of Frédéric

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Ile de Pâques / Rapa Nui – 1ère partie 

Moai, Rongo-Rongo, Pukao, Homme-Oiseau et autres Mystères

Dates du séjour : du 28 juillet au 2 août 2014

S’il existe un endroit qui me fascine totalement depuis que je suis gamine, c’est bien l’île de Pâques.

Je suis fascinée d’une part par la distance qui sépare la France de cette île, la plus à l’est de toute l’Océanie et l’un des endroits les plus reculés de la planète, mais aussi et surtout par tous les mystères qui font de ce petit triangle de terre encore préservé par le tourisme de masse, un véritable mythe.

Jugez-en plutôt :

Cette île, est célèbre pour ses vestiges mégalithiques des premières civilisations autochtones. Le patrimoine archéologique comprend 887 statues de basalte, les moai, de 4 mètres de hauteur en moyenne et près de 300 terrasses empierrées au pied de ces statues, les ahu.

C’est l’endroit habité le plus isolé de la planète. L’île se trouve à 3680 km des côtes chiliennes et à 4050 km de Tahiti, l’île habitée la plus proche étant l’île Pitcairn à plus de 2 000 km à l’ouest. D’une superficie de seulement 166 km carrés, elle a pour dimensions 24 km x 16 km x 12 km. Ce sont trois volcans, désormais endormis, qui ont formé l’île de Pâques il y a 500 000 ans. Sa base immergée est 50 fois plus large que la surface. L’île abrite trois lacs de cratère, mais aucun cours d’eau ; l’eau douce est rare.

Elle a été surnommée « le nombril du monde », suite à l’interprétation erronée du terme « Te pito kura » qui signifie en fait « nombril de lumière » et représente le centre de l’île, un lieu sacré où, selon la tradition orale, se tenaient les palabres entre clans. Le nom de l’ahu Te Pito Kura viendrait d’une pierre située à une quarantaine de mètres sur la gauche de la plate-forme. Parfaitement lisse et ronde, cette pierre possède des propriétés magnétiques. Selon la légende, elle aurait été déposée à cet endroit par le premier roi de l’île, Hotu Matua.

Le nombril du monde…

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La boussole perd la boule ! Les propriétés magnétiques de la pierre font tourner l'aiguille dans tous les sens.

La boussole perd la boule ! Les propriétés magnétiques de la pierre font tourner l’aiguille dans tous les sens.

Plusieurs mystères perdurent, contribuant au charme et à la magie de l’île :

  1. Qui étaient les premiers habitants de l’île ?
  2. Quelle est la signification des moai ?
  3. Quelles techniques les insulaires utilisaient-ils pour transporter et ériger les colossaux moai ?
  4. Pourquoi y a-t-il autant de statues encore inachevées (environ 400) dans la carrière principale ? Pourquoi leur production a-t-elle été arrêtée et quasiment toutes les statues « achevées » renversées ?
  5. Que représentent les pukao, les coiffes cylindriques rouges qui ornent la tête de certains moai ?
  6. Quelle est la signification du Rongo-Rongo, cette écriture océanique unique, représentée par de fines lignes de symboles inscrits sur des tablettes de bois ?
  7. Comment se fait-il que la végétation boisée de l’île ait disparu ?
  8. Qu’est-ce que le culte de l’homme-oiseau (Make-make) ?

Même si certaines réponses ont été apportées aujourd’hui, il existe toujours des controverses et des théories qui s’opposent.

Je vais essayer de vous présenter rapidement quelques-unes de ces théories sachant que le sujet est très dense. Je m’appuie sur ce que m’ont relaté les guides locaux mais aussi sur des lectures et extraits (parfois entièrement retranscrits dans mon article) de Wikipedia, du Lonely Planet et d’articles ou de blogs tels que ceux-ci :

Pour commencer, savez-vous pourquoi elle s’appelle l’Ile de Pâques ?

Le nom de l’île est dû au Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta avec trois navires au cours d’une expédition pour le compte de la Société commerciale des Indes occidentales. Il la découvrit en effet le dimanche de Pâques 1722 et l’appela Paasch-Eyland (île de Pâques). Son nom polynésien est Rapa Nui (« la grande Rapa »), c’est le nom que préfèrent les habitants de l’île. Le nom officiel est Isla de Pascua depuis qu’elle est devenue territoire chilien en 1888.

  1. Qui étaient les premiers habitants de l’île ?

Selon l’hypothèse d’une chronologie longue, le peuplement initial daterait de 800, voire de 400 ; mais selon la thèse d’une chronologie courte, le peuplement daterait de 1200. Des mesures au radiocarbone, effectuées dans les années 1950, avaient estimé la date du peuplement de l’île vers 400 (à +/- 80 ans). De nouvelles études ont mis en évidence des pollutions sur les mesures effectuées, impliquant un vieillissement des résultats. Des mesures de radiocarbone publiées en 2006 ont mis en évidence des premières implantations beaucoup plus récentes, vers 1200.

Quoi qu’il en soit, les premiers colons polynésiens, sur de grandes pirogues à balancier ou bien sur des catamarans offrant plus de charge utile, seraient partis des Îles Marquises (situées à plus de 3200 km) ou bien des îles plus proches des Tuamotu (Mangareva, à 2600 km) en passant par Pitcairn (située à 2000 km). Les premiers habitants proviendraient donc du « triangle polynésien ». Une reconstitution, effectuée en 1999, à partir de Mangareva sur des embarcations polynésiennes a demandé 17 jours de navigation.

Le triangle polynésien :

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La tradition orale rapporte que les premiers habitants avaient à leur tête un roi, appelé Hotu Matua. Matua signifie « ancêtre » ou « père ». Hotu Matua, serait venu s’installer sur l’île avec son épouse Avareipua, après que sept éclaireurs l’eurent découverte. Ils auraient débarqué sur la seule (et magnifique) plage, Anakena dans le Nord de l’île, emmenant hommes, femmes et enfants ainsi que des vivres. Par la suite, les Rapanuis ont immortalisé les premiers découvreurs de l’île en représentant sept moai à leur effigie. Ceux-ci sont disposés sur l’Ahu Akivi, la seule plate-forme sacrée construite dans les terres et non sur le rivage. Orientés vers la mer, ils regarderaient symboliquement en direction de leur île polynésienne natale.

La plage d'Anakena au Nord de l'île

La plage d’Anakena au Nord de l’île

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Ahu Akivi : le seul ahu érigé à l'intérieur des terres

Ahu Akivi : le seul ahu érigé à l’intérieur des terres

Les nouveaux arrivants ne trouvèrent aucune trace de rivière mais deux lacs, situés au fond des cratères des volcans Rano Kau et Terevaka, leur servirent de réservoirs d’eau potable. Peu à peu la vie s’est organisée autour des points d’eau. Des maisons en forme de bateaux renversés furent construites. Les plus grandes pouvaient atteindre 90 mètres de long et contenir jusqu’à 200 personnes. Les toits étaient recouverts de nattes ou de feuilles de canne à sucre. La porte basse et étroite était fermée par un filet pour empêcher le passage des poules.

Qui sont les habitants de l’île ? Des analyses génétiques effectuées sur des squelettes prouvent qu’ils sont identiques à la population polynésienne actuelle. Pourtant, un détail intrigue. Pourquoi les statues ressemblent-elles aux Incas ? Celles-ci représentent des personnes aux longues oreilles, aux nez fins, dotées de coiffes rouges, des caractéristiques qui appartiennent à la civilisation inca et non aux Polynésiens. Jean-Hervé Daude, chercheur québécois, pense que l’influence inca aurait été minimisée à tort sur la base de préjugés concernant leur capacité de navigation. Des Sud-Américains ont bien foulé le sol de l’île de Pâques. C’est le cas de Tupac Yupanqui, qui aurait atteint l’île au XVème siècle. Toujours selon Daude, son armée était accompagnée d’Orejones, une troupe d’élite, coiffés d’un turban et aux lobes d’oreille allongés. Ainsi, deux peuples se partageaient l’île. La tradition orale mentionne la présence des « courtes oreilles », qui seraient d’origine polynésienne, et des « longues oreilles », d’origine inca. Si l’empreinte inca est perceptible dans les vestiges des ouvrages de pierre, elle ne l’est plus dans la population. Les Incas sont arrivés sans femmes. En s’intégrant au groupe polynésien, ils ont perdu leur langue et leurs caractéristiques génétiques. Mais le mystère plane toujours.

Les premiers habitants étaient sans doute très peu nombreux. On suppose que la population s’est rapidement développée en l’espace de quelques siècles, provoquant des tensions relatives à la répartition des ressources, limitées, entre les différents clans. Une telle expansion ne pouvait se poursuivre à l’infini, vu l’exiguïté du territoire. De violents conflits d’ordre foncier, ou liés à la répartition des ressources, auraient éclaté dès la fin du XVIIème siècle, juste avant l’arrivée des Européens. Une longue période de déclin allait suivre. Au début du XIXème siècle, on estime que l’île comptait entre 4000 et 20.000 habitants. Aujourd’hui elle en compte 6000 dont la moitié d’origine Rapa Nui et seulement une trentaine authentiques Pascuans de souche.

  1. Quelle est la signification des moai et comment étaient-ils sculptés ?

Les moai étaient sculptés par des « prêtres », aux fonctions sacrées, qui gardaient les traditions ancestrales et se transmettaient les techniques de façonnage. Les moai symboliseraient des ancêtres divinisés et auraient pour fonction de protéger les clans. Chaque tribu érigeait une ou plusieurs plate-formes cérémonielles, les ahu, avec une rangée de moai sur celles-ci, faisant face au village et le protégeant de leur regard. Les yeux étaient réalisés à partir de coraux. Il n’en existe qu’un seul exemplaire sur l’île, sur le site de Tahai en bordure du village de Hanga Roa. Cette reconstitution est intimidante. On a l’impression que la statue est vivante quand on la fixe dans les yeux. Il est encore plus impressionnant de s’imaginer qu’elles avaient en fait toutes des yeux colorés.

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Au fil du temps les moai sont devenus de plus en plus grands. Une compétition se serait instaurée entre les tribus pour savoir ceux qui érigeraient les ahu les plus monumentales. Les moai n’étaient plus le signe du respect des anciens mais un symbole de la puissance de la tribu.

Les statues proviennent d’une carrière, appelée « la nurserie », située sur les flancs et dans le cratère du volcan nommé Rano Raraku. On peut y voir un très grand nombre de moai (près de 400). Certains sont terminés et dressés au pied de la pente et d’autres sont inachevés, à divers stades, de l’ébauche à la finition. Le plus grand qui ait été érigé mesure 10 mètres de haut et pèse 75 tonnes. Un des derniers resté inachevé fait 21 mètres de hauteur pour une masse estimée à 270 tonnes.

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Le moai géant de 21 m, allongé dans la roche

Le moai géant de 21 m, allongé dans la roche

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La plupart étaient sculptés horizontalement, le visage vers le haut. On creusait une tranchée autour et en dessous du moai pour que les ouvriers puissent travailler. La statue n’était solidaire de la roche que par le dos. Le moai était ensuite détaché puis transporté en bas de la colline, où il était placé en position verticale dans une tranchée pour que les sculpteurs puissent faire les finitions. Une fois terminé, le moai était acheminé vers un ahu, le long de la côte. On estime qu’environ 300 statues ont été déplacées de la sorte. Il est à noter que sur les 400 statues présentes sur l’île, il en existe encore 400 de plus, inachevées, dans la carrière principale.

  1. Pourquoi y a-t-il autant de statues encore inachevées (environ 400) dans la carrière principale ? Pourquoi leur production a-t-elle été arrêtée et quasiment toutes les statues « achevées » renversées ?

L’arrêt de la production de moai suscite plusieurs hypothèses, pas forcément incompatibles entre elles. Les premiers immigrants avaient réussi à construire, à partir de ressources assez limitées, une société complexe et bien adaptée à son environnement. Toutefois, l’importance croissante du culte des ancêtres s’est traduite par l’érection de centaines de statues qui a fini par raréfier en quelques siècles les arbres de l’île. Dans les années 1500 à 1600, l’île connut une crise environnementale due peut-être à l’érosion des sols, peut-être à la sécheresse, mais qui en tout cas aboutit à une crise sociale, avec probablement des luttes tribales si l’on en croit les traditions orales, crise au terme de laquelle l’assise religieuse de la société pascuane changea.

La construction des statues et des plate-formes cérémonielles cessa, le culte de Make-make et de l’homme oiseau Tangata Manu prit de l’importance (voir description dans l’énigme n°8). Les autochtones en étaient là lorsque les maladies apportées par des nouveaux venus, les Européens, et les déportations (l’esclavage pratiqué par les Péruviens) réduisirent à 111 personnes leur population. Avec l’arrivée des planteurs et des missionnaires européens, initialement français, et de leurs ouvriers agricoles polynésiens (en majorité originaires de Rapa, et qui, se mêlant aux autochtones, formèrent le peuple Rapa-Nui), les habitants de l’île sont finalement devenus catholiques.

Les moai redressés que nous pouvons admirer aujourd’hui ont en fait été l’objet de restaurations entamées dans les années 1950. C’est notamment le cas des 15 moai impressionnants du site de Ahu Tongariki, à l’est de la « nurserie » de Rano Raraku, qui ont été remis en place par une entreprise japonaise entre 1992 et 1995. C’est le plus grand ahu jamais érigé. En 1960, un tsunami a balayé le site sur son passage, dispersant les statues et leurs coiffes (pukao) à plus d’une centaine de mètres à l’intérieur des terres. Un pukao a été replacé sur l’un des moai, par les habitants qui voulaient défendre les traditions et montrer comment étaient réellement les moai dans leur intégralité.

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  1. Quelles techniques les insulaires utilisaient-ils pour transporter et ériger les colossaux moai ?

L’île de Pâques est surtout connue pour le mystère qui entoure la fabrication, mais surtout le transport de blocs de basalte allant de 2,5 à 10 mètres de haut et l’élévation des moai.

Les spécialistes n’ont toujours pas résolu cette énigme. Jusqu’à récemment, on pensait que les moai étaient transportées horizontalement, allongés sur des rondins de bois sur lesquels on les faisait glisser.

En 2005, après diverses expériences et mesures, Sergio Rapu, l’un des plus éminents archéologues de l’île, est arrivé à la conclusion que les moai n’étaient pas transportés horizontalement mais en position verticale. Il a en effet constaté que la base des statues était légèrement convexe, avec un centre de gravité assez bas, ce qui permettait de faire avancer le moai debout, en le faisant progresser par des petits mouvements de pivot. Cette théorie a l’avantage d’être en phase avec la tradition orale selon laquelle les moai « marchaient » jusqu’à leur plate-forme.

En outre, selon cet archéologue, les moai n’auraient pas été renversés lors des guerres tribales, mais par leurs propriétaires, tout simplement soucieux de les remplacer par d’autres statues ; une manière de contrôler la population en lui fournissant du travail.

Les archéologues Terry Hunt de l’University of Hawaii et Carl Lipo de la California State University, avancent également une théorie qui indiquerait que les statues auraient été déplacées debout depuis le site Rano Raraku où elles étaient taillées (en position horizontale dans la roche volcanique) jusqu’à leur destination finale, par un mouvement de balancier régulé par des tireurs de cordes.

En 2010 et 2011, une expédition privée, co-dirigée par Jo Anne Van Tilburg et Cristián Arévalo Pakarati, a révélé que plus de la moitié de la hauteur des statues situées à proximité de la carrière est sous terre et dissimule un corps, des bras et des mains. Les statues se différenciant selon le sexe des individus (ou dieux) représentés. Des inscriptions, les pétroglyphes, sont gravées sur le dos des moai.

Déjà, les recherches menées en 1916 par Katherine Routledge, avaient conduit à l’existence d’un corps sculpté sous la surface du sol ainsi qu’à l’existence d’inscriptions mais elles s’étaient limitées à une relativement faible profondeur. Des fouilles plus profondes avaient été réalisées par l’équipe de Thor Heyerdahl en 1955.

Les statues « marchaient-elles » ? Ce qui est certain, c’est que la question cristallise toujours les débats…

  1. Que représentent les pukao, les coiffes cylindriques rouges qui ornent la tête de certains moai ?

Les archéologues pensent que les pukao représentent les cheveux montés en chignon, selon une tradition qui était pratiquée sur l’île aux temps anciens. Les pukao étaient travaillés dans la carrière du petit volcan Puna Pau, les scories volcaniques étant relativement tendres et se prêtant à ce type de façonnage.

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"Oiseau Pukao"

« Oiseau Pukao »

On suppose que ces coiffes revêtaient une fonction esthétique. Sans doute les faisait-on rouler jusqu’à la plate-forme, où elles étaient ensuite hissées puis encastrées sur la tête des moai, malgré leur poids (plusieurs tonnes !). Encore une prouesse qui défie les lois de l’ingénierie…

  1. Quelle est la signification du Rongo-Rongo, cette écriture océanique unique, représentée par des symboles inscrits sur des tablettes de bois?

Les tablettes Rongo-Rongo (ainsi nommées d’après le lieu de culte Orongo) sont recouvertes de fines lignes de symboles qui ressemblent à des hiéroglyphes. Selon la tradition orale, ces tablettes de bois ont été apportées par Hotu Matua et par des savants qui connaissaient l’art d’écrire et de réciter les inscriptions. Les chercheurs ont avancé diverses théories mais le texte n’a toujours pas été déchiffré.

Des centaines de tablettes qui ont dû exister, il n’en reste plus que 21. Les uns disent que les missionnaires les auraient brûlées, les autres qu’elles ont été cachées justement pour les sauver. Qui croire ? La plus belle collection est celle du musée de Braine-le-Comte, en Belgique. Outre ces plaquettes, on a retrouvé des pétroglyphes dont la signification précise est perdue mais dont la répétition des symboles rappelle les hymnes généalogiques polynésiens : « Les oiseaux ont copulé avec les poissons et ainsi ont été engendrés les premiers hommes. » Certaines dalles de pierre sont sous clé au Vatican. Les ordinateurs les plus puissants ont été incapables de déchiffrer l’écriture Rongo-Rongo. Les grands prêtres qui détenaient le savoir de la culture ancestrale sont morts. À peine un cinquième des sites archéologiques a été exploré sérieusement.

  1. Comment se fait-il que la végétation boisée de l’île ait disparu ?

L’analyse des pollens a démontré qu’une forêt recouvrait la région par le passé. Or l’île est aujourd’hui quasiment pelée. Les cocotiers qui dominent la plage d’Anakena ont en fait été importés de Tahiti. L’hypothèse la plus répandue, pendant longtemps, fut que cette déforestation était le fruit d’une surexploitation des ressources et que les autochtones étaient à l’origine de leur propre destruction. Mais cette théorie est aujourd’hui remise en question.

Les palmiers d'Anakena ont été importés de Tahiti

Les palmiers d’Anakena ont été importés de Tahiti

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En 2006, puis à nouveau en 2011, l’anthropologue Terry Hunt et l’archéologue Carl Lipo, se basant sur des nouvelles datations estimant l’arrivée des Polynésiens vers 1200, étudièrent les possibles causes multifactorielles du déboisement (rat polynésien, El Niño, brûlis…), réfutant une déforestation complète de l’île en seulement 500 ans. Pour les moai, ils défendent la théorie d’un déplacement des statues par rotation, soit horizontalement (roulés comme des rondins), soit, en terrain plat et pour les moins grands, en position verticale (par rotation sur la base) ne nécessitant pas l’utilisation de bois.

En 2008, l’archéologue Nicolas Cauwe propose une théorie unifiée, basée sur des données de terrain issues de dix années de fouilles sur place, qu’il détaille davantage en 2011. Selon ses recherches, les Pascuans, confrontés à une période difficile, ont réorganisé leur structure religieuse et politique afin d’assurer une cohésion plus forte et centralisée de leur société, sans qu’il y ait eu effondrement brutal. Le culte des ancêtres (destiné à des entités familiales ou claniques) a été progressivement supplanté par le culte du dieu Make-make et de l’homme-oiseau qui étend désormais son autorité sur l’ensemble de la population.

Pour renforcer ce changement et empêcher un retour en arrière, un tabou (Tapu) fut jeté sur tout ce qui touchait au culte des ancêtres. Sculptures, plates-formes, carrières furent rendues inaccessibles ou inopérantes. Les moai furent enfouis sous des terrasses, les carrières comme celle du Rano Raraku furent encombrées d’ébauches pour empêcher une exploitation ultérieure. Le tabou jeté sur le volcan Rano Raraku réfute la thèse d’une chaine opératoire qui serait reflétée par le site au profit d’un long et minutieux travail de fermeture rituelle de l’exploitation de la carrière de tuf par les Pascuans.

  1. Qu’est-ce que le culte de l’homme-oiseau (Make-make) ?

Le village cérémoniel d’Orongo s’étend à flanc de colline presque en surplomb de l’océan et se trouve à côté du cratère du volcan Rano Kau, rempli d’un impressionnant lac volcanique. Au bord du cratère se trouve un ensemble de rochers gravés de nombreux pétroglyphes d’hommes-oiseaux pourvus de longs becs et de mains saisissant des œufs.

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Le lac volcanique de Rano Kau

Le lac volcanique de Rano Kau

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Les îlots près du village cérémoniel d'Orongo

Les îlots près du village cérémoniel d’Orongo

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Les maisons de pierres d'Orongo

Les maisons de pierres d’Orongo

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Orongo était au centre d’un culte des oiseaux lié au dieu Make-make aux XVIIIème et XIXème siècles. Le point culminant des cérémonies était une compétition visant à obtenir le premier œuf de la sterne fuligineuse (Sterna fuscata), qui niche sur les minuscules îlots de Motu Nui, Motu Iti et Motu Kao Kao. Chaque année, à l’arrivée de cet oiseau migrateur connu sous le nom indigène de manutara ou mahoké, des hommes gagnaient au large l’île Motu Nui dans le but de rapporter l’un de ses œufs, symbole de la création du genre humain. Chaque participant descendait la façade de la falaise depuis Orongo puis, à l’aide d’une petite planche en roseau, nageait jusqu’aux îles. Celui qui trouvait le premier œuf devenait homme-oiseau pour l’année et acquérait un statut prestigieux dans la communauté. Les dernières cérémonies se tinrent à Orongo en 1866 ou 1867.

Une histoire douloureuse

Le dimanche de Pâques de l’année 1722, une expédition hollandaise emmenée par l’amiral Jacob Roggeveen, foula le sol de Rapa Nui. D’autres personnages de l’Histoire posèrent le pied sur cette île. Des navigateurs espagnols croisèrent l’île en 1770. Ils en prirent d’ailleurs possession au nom de sa Majesté Carlos III, et la rebaptisèrent Isla San Carlo. Le célèbre explorateur anglais James Cook arriva et en fit une première exploration en mars 1774. Ses deux navires le Resolution et l’Adventure mouillèrent dans la baie de Hanga Roa. Le comte de La Pérouse, explorateur et officier français, débarqua en 1785, et explora l’île examinant la flore, la faune, ainsi que la population.

Que les habitants de Rapa Nui se soient livrés ou non à des guerres de clans, leurs premiers contacts avec le monde extérieur fut désastreux. En débarquant sur l’île de Pâques, les explorateurs européens, ont introduit des virus redoutables comme la syphilis et la tuberculose. À ces épidémies destructrices, s’ajoute le rôle particulièrement sinistre des marchands d’esclaves opérant à partir de Callao au Pérou, qui, de 1859 à 1863, ont organisé plusieurs raids et enlevé environ 1500 insulaires pour les envoyer travailler aux îles Chincha, les principales îles à guano.

Frappée par des épidémies, la population a fortement diminué durant les années 1860 et 1870, avec pour résultat qu’après les immigrations ultérieures, en provenance essentiellement des Gambier (Rapa), de Tahiti et des Tuamotu, les Pascuans d’origine ne représentaient plus que 3 % environ de la population, les autres Polynésiens étant la moitié, les Européens d’origine 45 %, et les Chinois 1 %.

Les Polynésiens venus dans l’île après 1861, déjà pourvus d’anticorps contre les maladies des Européens et déjà christianisés, ont été amenés par les planteurs Dutroux-Bornier, Mau et Brander comme ouvriers agricoles, entre 1864 et 1888.

L’exploitation de l’île commença en 1870 quand le capitaine français Jean-Baptiste Dutroux-Bornier introduisit le commerce de la laine à Rapa Nui. En important des moutons, il envisageait de transformer toute l’île en exploitation agricole et d’expulser les insulaires vers les plantations de Tahiti. Il obligea les missionnaires, opposés à ses prétentions de souveraineté, à quitter l’île. Beaucoup s’exilèrent en Polynésie française. En 1877, la population d’origine serait passée de 2500 personnes à seulement 111 âmes… Dutroux-Bornier régna comme un tyran sur les derniers insulaires jusqu’à ce qu’ils le tuent en 1877.

Mû par une dynamique expansionniste, le Chili prit officiellement possession de l’île en 1888, après avoir fait plier le Pérou et la Bolivie au cours de la guerre du Pacifique (1879-1884).

Le Chili céda ensuite l’île à une grande compagnie anglaise spécialisée dans la laine, qui fit office de gouvernement de facto jusqu’au milieu du XXème siècle. L’île était alors divisée entre la « réserve » de Hanga Roa, son chef-lieu et unique village (6 % de la surface de l’île) où étaient parqués les Rapa-Nui, et la Compagnie Williamson-Balfour, qui possédait le reste et y éleva des moutons jusqu’en 1953. L’île de Pâques était devenue une immense ferme vouée à l’élevage de moutons…

La reprise en main par le gouvernement chilien date de 1953. Les militaires prirent possession du territoire, imposant à leur tour leur férule.

Quelle est la situation territoriale de l’île de Pâques aujourd’hui ?

De 1953 à 1966, l’île fut sous le contrôle de la Marine chilienne.

En 1966, les Pascuans reçurent la nationalité chilienne et furent autorisés à quitter la réserve. L’île devint un territoire de droit commun.

Le 30 juillet 2007, une réforme constitutionnelle dota l’île d’un statut de « territoire spécial », mais elle continue pour le moment d’être administrée comme une province de la Région V (Valparaíso).

Depuis 1995, le patrimoine exceptionnel de l’île est protégé et inscrit au Patrimoine mondial par l’UNESCO. Des parcs ou réserves naturelles, parfois surveillés, enserrent les zones des vestiges. La communauté Rapa Nui veille jalousement sur les traces de son histoire et constitue un pouvoir parallèle au gouvernement officiel chilien.

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Dans mon prochain billet, je partagerai avec vous ma propre « histoire » à Rapa Nui et ce que j’ai ressenti. Un indice : magie !